Joseph la Picirella, au 11eme cuirassiers


Joseph La Picirella est né le 19 mai 1924 à Oullins (Rhône ), dans une famille d'émigrés italiens. Aîné de 3 enfants élevés dans le quartier Saint Georges du vieux Lyon, par une mère seule, il est a la rude école de la vie.

Dès l'age de 7 ans, de 1931 à 1934 et d'avril à fin septembre, il est placé comme berger à Prémilieu, un petit village de l'Ain, où il ne va à l'école que 2 heures par jour. Malgré ce handicap, il ne prend aucun retard.

En 1940 il a 16 ans, ne voulant pas assister à l'arrivée de " l'intrus ", il part juché sur un vieux vélo, avec quatre de ses camarades de classe, et se réfugie en Ardèche.

A Annonay, il remet les chargeurs d'un vieux fusil mitrailleur français 24/29 qu'il a récupéré prés d'Andance, entre les lignes françaises et allemandes, à un officier du 6eme régiment de Spahis Algériens, qu'il aide ensuite à aménager les positions sur le Champ de Mars. C'est son premier acte de patriotisme. Le lendemain matin, l'officier des Spahis, prévoyant l'imminence de l'attaque allemande lui conseille de partir.

Après l'armistice, il retourne à Lyon, mais sans travail, il rejoint les Compagnons de France, dont la mission est " de prendre sous sa tutelle les 10.000 déshérités de 14 à 18 ans ". Le 10 octobre 1942 désirant rejoindre l'AFN, il s'engage dans l'armée où il est affecté à la 270 ème batterie du groupement FTA 12 du 405 ème régiment de DCA cantonné au fort de Saint Genis Laval, près de Lyon. Six semaines plus tard, la zone libre est occupée par les allemands qui chassent de leurs casernes les soldats français.

Joseph La Picirella est renvoyé dans ses foyers, mais il demeure en liaison avec son capitaine Henry Fould qui lui confie diverses missions. Après l'arrestation de celui-ci c'est son frère Roger Fould lui même capitaine d'artillerie à Bourg en Bresse, qui craignant de son frère n'ait parlé sous la torture, envoie Joseph La Picirella au maquis du Vercors. Son frère Henry, malgré la colonne vertébrale brisée à coup de nerfs de boeuf par les sbires de Barbie, au septième interrogatoire ne parlera pas. Sur les 18 camarades recrutés, seul Lucien Dumont accepte de rejoindre le maquis du Vercors avec Joseph La Picirella.

Le lendemain, ils prennent le train jusqu'à Romans, où après avoir passé la nuit à l'hôtel Terminus, occupé par l'ennemi, ils partent à pied malgré la neige et la distance de 45 Km pour Saint Martin en Vercors où ils arrivent à la nuit exténués. De là ils sont dirigés par l'hôtelier Mr Breyton sur le PC du capitaine Geyer la Thivollet, chef militaire, qui les affecte au camp Bourgeois.

Le 5 mai un chef inconscient l'envoie avec trois de ses compagnons en mission à Romans, occupée par l'ennemi. Au cours des trois semaines que dura la mission, facilement identifiables par leur uniforme de maquisard, ils seront alertés à plusieurs reprises par des civils, des rafles de la milice. Le 23 juin 1944, Joseph La Picirella fait partie du commando qui va délivrer à Lyon 53 tirailleurs africains, prisonniers de guerre, qu'ils ramèneront au Vercors. Le 10 Juillet 1940, il participe à l'embuscade du col de de la Croix Haute, où il protège seul pendant plus de deux heures le repli de ses camarades, faisant comme le dit sa citation " l'admiration du commando américain ".


Prise
au Cimetière National de VassieuxLa Fresque de la Libertée au Musée de la Résistance de Vassieux


Les 22 et 23 juillet 1944, à Vassieux, les armes à la main, il assiste impuissant avec ses camarades de l'escadron Bourgeois, à l'agonie du village, où 86 de ses frères d'armes ( aujourd'hui oubliés par la municipalité ) resteront sur le terrain. Après la chute du Vercors et malgré le danger et le manque de nourriture, Joseph la Picirella fait partie de la poignée de patriotes, qui conformément à la mission confiée au maquis du Vercors, fixe l'ennemi jusqu'au 20 août 1944, soulageant ainsi le débarquement allié de Provence du 15 août.

Les combats du Vercors terminés, dont le bilan s'élève à près de 460 victimes ( 134 civils et 326 maquisards ), il prend part avec le 11eme cuirassier à la libération de Romans, où il se distingue, comme le mentionne la citation, en se portant " Volontaire pour détruire un blindé, l'a attaqué à la gammon tuant tous ses occupants, permettant ainsi la progression d'un groupe voisin". Il a participé ensuite à la libération de Lyon où le régiment est intégré à la glorieuse 1ère Division de la France Libre. Elle même rattachée à la prestigieuse 1ère Armée Française qui l'entraînera jusqu'en Allemagne.

De retour à la vie civile, en décembre 1945, il entre à EDF en janvier 1948. Autodidacte, il apprend la comptabilité, le droit commercial et la fiscalité à la Faculté Catholique de Lyon. Il a fait toute sa carrière à Lyon sous l'autorité de supérieurs, pour lesquels son passé patriotique n'est pas une référence. Il est passionné de recherches, et devient le collaborateur du Comité d'Histoire de la 2ème Guerre Mondiale, de son ancien frère d'armes du Maquis du Vercors, Fernand Rude sous préfet chargé des Affaires Culturelles pour la région Rhône Alpes.

C'est parce qu'il a vécu la tragédie du Vercors, qu'inlassablement depuis 1958, l'auteur interviewe et amasse des documents qu'il classe minutieusement. En 1961 il publie " Mon Journal du Vercors", puis en 1969" Témoignages sur le Vercors " un ouvrage unique, criant de vérité, qui le fait sans contexte le livre d'or de la Résistance du Vercors. Un ouvrage écrit pour sortir de l'anonymat les victimes obscures, et les humbles combattants tombés les armes à la main, ouvrage refusé par tous les éditeurs.


Mon journal du Vercors Témoignages du Vercors 
Le Martyre de Vassieux

Il a voulu mettre en lumière leur sacrifice, afin d'apporter aux familles éprouvées une consolation, et apporter aussi sa contribution à l'Histoire.

Joseph La Picirella n'est pas un de ces historien bardés de diplômes qui fondent leur travail d'analyse, sur des rapports rédigés par des gens plus soucieux de leur carrière que de la Vérité, par des écrits souvent recueillis auprès de vaniteux, où pompé sur d'autres ouvrages de référence, il est un homme de terrain.

Depuis 1958 il se consacre à la recherche de la vérité historique. L'ancien maquisard du Vercors, n'hésite pas fin, février 1989 à se rendre en Allemagne malgré les recommandations de prudence de ses amis et les critiques dont il fait l'objet. En 1973 après 25 ans de services, sa carrière toujours bloqué, il quitte Lyon et le GDF en prenant un congé sans solde. Il vend sa propriété d'Ecully et achète à Vassieux une ancienne ferme qu'il transforme en " Musée de la Résistance du Vercors ". Une oeuvre qu'il réalise sans subvention, ni aide matérielle, malgré une municipalité hostile. Une oeuvre créée, non pas dans un esprit de haine ou de vengeance, car la vengeance engendre le mal, mais, pour mieux faire connaître par le texte et l'image, aux générations futures, le calvaire vécu par leurs aînés, pour qu'elles n'aient pas étant prévenues, un jour à le revivre. Un musée qu'il dédie à toutes les victimes obscures, civiles et militaires.

Le 10 juin 1973, son inauguration attire, outre les personnalités locales, plus de 5.000 curieux. Le musée dont l'entrée était libre recevait tous les ans, du 1er avril au 1er novembre, plus de 100.000 visiteurs. Toutes, y compris les nouvelles les autorités, Préfets, Sous Préfets, Gendarmes ) ont eu à coeur de venir visiter cet incomparable Temple du Souvenir, un des lieux d'ailleurs le plus visité du département.

Le 21 juillet 1989, François de Grossouvre, ancien maquisard de Chartreuse, représentant le Président de la République, vient en visite officielle à Vassieux. Il vient au musée et signe en son nom le Livre d'Or que lui présente Joseph La Picirella, son ami lyonnais et ancien compagnon de lutte dans la résistance.


François de Grossouvre,  représentant de François Mitterrand en visite au musée carte postale du Musée de la Résistance de Vassieux


Après la publication en 1961 de " Mon journal du Vercors " ( 11 éditions en français et 2 en anglais ), celle de " Témoignage sur le Vercors ", qui en est à sa 16ème édition., ce qui est un record de vente pour un auteur auto-édité. Cette oeuvre est le fruit de la compulsion d'archives allemandes et françaises, d'enquêtes, d'interviews et de la recherche de nombreux témoins. Joseph la Picirella est également l'auteur pour les paroles et la musique de l'hymne au Maquis du Vercors, l'hymne des Patriotes, l'hymne de l'Épopée du Vercors en cassette audio ( 1978 ). dix tirages Français-Anglais et avec Pierre Jacquet pour les images d'une cassette vidéo, le Martyr de Vassieux ( 1h20 - 2 éditions ). La relation des faits porte la marque de ceux qui les ont vécus.

Aujourd'hui encore il vient en aide aux familles éprouvées en établissant un fichier national de toutes les victimes, civiles et soldats français et alliées, mortes pour la France. Un fichier qui lui permet de retrouver des disparus. La réalisation de ce fichier, tâche obscure, ingrate, bénévole mais humaine lui permet dans la solitude de son bureau de voir apparaître un visage sur chacun des noms cités, et c'est sa façon à lui de ne pas les oublier.

Le patriotisme, les mérites de Joseph La Picirella ont été reconnus. Il a reçu les plus hautes distinctions :

  • Commandeur dans l'ordre de la Légion d'Honneur,
  • Médaille militaire,
  • Chevalier de l'ordre du mérite,
  • Croix de Guerre 1939/1945
  • Croix du Combattant Volontaire de la Résistance
  • Américan Légion Gold Métal
  • Membre Spécial Force Club
  • Médaille du Front de l'Indépendance Belge,
  • Médaille des Anciens de la 1er Armée Française et de la 1ere Division Française libre,
  • Médaille d'Honneur du Conseil Général de la Drôme,
  • Croix d'Or du Mérite et du Dévouement Français,
  • Médaille de Vermeil de la Société Académique Arts Sciences et Lettres,
  • Membre de la Sacem,
  • De l'Académia Lettere,
  • Médal Of Liberty de 1ère Classe,
  • Membre d'Honneur de l'Association des Anciens Combattants, Mutilés, et Victimes de Guerre du canton de Guillaume.

Il a été honoré par les ville de Milan ( Italie ), Braîne le Comte et Liège ( Belgique ), Oullins, Vénissieux et a été reçu par de nombreuses municipalités, comme la majorité de ses camarades anciens maquisards, qui comme lui ont connus la rude vie des camps du maquis avant le 6 juin 1944. Il n'a pas la Médaille de la Résistance. Il est à l'origine de la promotion au grade d'Officier dans l'Ordre de la Légion d'Honneur d'André Pecquet ( Paray ) Officier US parachuté à Vassieux, seul radio demeuré sur le massif avec le chef militaire François Huet, jusqu'au départ des allemands. Joseph La Picirella est aussi le promoteur de la stèle érigée à Saint Agnan en Vercors à la mémoire des 8 blessés extirpés de la Grotte de la Luire et fusiliés au hameau du Rousset.

L'auteur n'est pas de ceux qui sous le couvert d'une association, court aujourd'hui les cérémonies officielles, pour glaner sur le dos des morts une parcelle de leur gloire. Le souvenir pour lui est dans le coeur.


André Pecquet( Paray )
Officier US parachuté à Vassieux remise de la légion d'honneur ( Officier )
à Joseph La Picirella 1983

Très attaché au Vercors, Joseph la Picirella est à l'origine de la venue dans le canton d'un dentiste, d'un second médecin, et du reclassement du bureau postal de la Chapelle en Vercors. Après 27 années de présence effective au musée, il a fait don de sa collection, évaluée à plus de 150.000 €uros, au Département de la Drôme. Reconnaissant sa compétence, le département lui a confié, entre autre mission, celle de recueillir les témoignages sonores d'autres acteur de la Résistance.



mardi 14 mai 2002

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